TEXTES


   Ceci n'est pas un paysage !
Des prairies balayées par le soleil, des nuages qui glissent au dessus des arbres, le souffle du vent, le chant de la terre... Les peintures de Mireille Veauvy expriment le paysage drômois des environs de Crest. Mais son regard se porte bien au delà, vers les choses mêmes.

   - 1. Apprivoiser la lumière, saisir l'instant.
Formée à l'Ecole des Beaux-Arts de Valence, Mireille Veauvy peint ce qu'elle a toujours eu sous les yeux depuis l'enfance. Composées par de larges bandes horizontales, ses peintures représentent essentiellement des champs, des forêts et des ciels nuageux. Mais son oeuvre propose aussi un travail sur la lumière et une méditation sur le temps. A la manière des impressionnistes, il s'agit en effet d'envisager les reflets lumineux sur les surfaces réfléchissantes telles que les feuillages, les brumes vaporeuses ou encore les étendues d'eau. Quant au trait sobre mais incisif, il s'efforce de dire à la fois le temps qui passe et l'instant dans sa dimension éphémère et cependant en tant qu'il porte en lui quelque chose de vrai. C'est ainsi que sa peinture s'achemine progressivement vers l'abstraction.

   - 2. L'itinéraire intérieur par delà le motif.
L'intention esthétique consiste à exprimer quelque chose de plus profond. A travers ses dessins et tableaux, Mireille Veauvy désire établir un dialogue entre le haut et le bas, l'avant et le fond, le ciel et la terre. Ainsi, tout doit communiquer grâce aux zones d'ombre et de lumière mais aussi par le jeu des couleurs. On retrouve en effet le bleu du ciel à la surface des près et les nuages portent en eux les traces de la terre. Aucune rupture entre les différents éléments du tableau mais bien au contraire une certaine circularité qui donne à l'ensemble une impression de calme et d'équilibre. La peinture se réalise pleinement quand elle ouvre des passages et invite à la réconciliation. Pas de figure humaine certes, mais en aucun cas absence d'humanité pour ces paysages intérieurs de l'âme.

   - 3. Le regard de l'artiste et la voix des choses. "Peindre n'est pas dépeindre"! Et c'est pourquoi la peinture est toujours un exercice difficile et périlleux. Celle de Mireille Veauvy exprime la tension entre un paysage qui est à la fois l'émotion de départ et le motif à dépasser pour ne pas s'enfermer dans la simple représentation. Peut-être faut-il ici encore parler d'un dialogue entre l'attention de l'artiste qui doit saisir la voix des choses et un certain détachement pour se laisser travailler par une nature qui parle à notre humanité. Devenir conforme aux choses mêmes, transformer une émotion en quelque chose de plus profond, et toujours rester fidèle à ce qui nous semble vrai, à chaque moment.
Eric MANGIN (2008)


   «De dimension traditionnelle ou dans le format d'un objet rare, les peintures et les tapisseries de Mireille Veauvy se tiennent d'abord sur la réserve d'une précieuse économie du dessin. Mais le regard s'attarde; alors les lignes, les couleurs, cette brume célèbrent au-delà de l'instant, les heures, les saisons, la fragile durée. On croit que c'est un coup d’œil et c'est le monde longtemps regardé; d'abord entrevu, ce monde se structure et s'éclaire, il s'intériorise aussi. Peindre l'essentiel, porter la sensation, comme dans la peinture orientale, jusqu'à la méditation...»
Jacques VERDIEL


   Mireille Veauvy est un peintre qui a toujours pratiqué la tapisserie. Depuis quelques années elle a réussi à rapprocher ces deux activités dans une même oeuvre. Les tapisseries sont tendues sur un support –chassis- et les fils de chaîne restent apparents. Une volonté de montrer la matérialité de la fabrication, une évoquation du métier à tisser. Donc une image peinte, par dessus un fragment de cette image tissée. Au regard de ces oeuvres fondées sur une dichotomie, peinture/tapisserie nous sommes en présence d’une ambiguïté. Que signifie cette image tissée superposée partiellement à l’image peinte? Y aurait-il remise en question de la tapisserie telle qu’elle fut élaborée avec Jean Lurçat? Une réaction aux excès matiéristes qu’elle a connu par la suite? La peinture toujours première ne serait-elle que le rappel d’un savoir faire? Est-ce la recherche d’une équivalence entre la touche picturale et la matière tissée? La tapisserie chercherait-elle à définir de nouveau ses rapports avec la peinture? Cette dichotomie ambiguëe pose sans doute bien d’autres questions. Mais c’est certainement vouloir dire que l’aspect artisanal, qui prédomine trop souvent dans ces formes de production s’est effacé.
Jacques CLERC. Septembre 2005

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